* To sleep or not to sleep
MA CHAMBRE, MON SALUT...
La fatigue est permanente et souvent intense pour les autistes. La gestion des temps de repos et du sommeil est donc un enjeu majeur dans leur quotidien. Si je me sens fatiguée, je n’ai plus du tout de marge de manœuvre, je deviens très réactive et les autres, tous les autres, deviennent des ennemis à abattre… J’ai bien conscience de la démesure de mon propos mais c’est vraiment à ce niveau là d’insupportabilité que je peux ressentir les choses. J’ai appris à mieux repérer et donc à anticiper ces franchissements de ligne rouge pour ne pas trop impacter mon entourage. Cette gestion du repos et du sommeil est absolument indispensable au quotidien pour ne pas basculer en mode Pitbull…
- MA CHAMBRE, C'EST " MA " CHAMBRE ! Cest l’endroit le plus important pour mon équilibre car c’est là où je vais pouvoir vraiment me reposer. C’est mon refuge, il y a là tout ce dont j’ai besoin pour me sentir en sécurité et m’apaiser.
- D’ABORD, IL N’Y A QUE MOI ! Cela fait une vingtaine d’années que je fais chambre à part selon l’expression consacrée. C’est une telle évidence quand on est hypersensible au bruit, au toucher, aux odeurs, à la lumière… quand je dors avec quelqu’un, au lieu d’être au repos, mon cerveau continue à travailler pour traiter toutes les informations sensorielles en provenance de l’autre, même si cet « autre » est mon amoureux ou mon amoureuse. Mon cerveau autiste ne se met pas en mode veille quand je ferme les yeux…
- AIMER N’EST PAS DORMIR et inversement. Ce sont deux fonctions qu’il me paraît vraiment important de dissocier pour pouvoir avoir un sommeil de qualité. C’est particulièrement essentiel pour beaucoup d’autistes mais probablement aussi, dans une moindre mesure, pour tout le monde : j’ai souvent entendu mes patients neurotypiques exprimer cette envie/plaisir de dormir seul parfois sans oser la communiquer à leurs conjoints. C’est presque toujours une demande très mal vécue par le ou la partenaire qui vit cela comme du rejet ou du désamour : tu veux dormir seul = tu ne m’aimes plus, tu ne me désires plus, tu es égoïste… alors oui, ça peut être le cas parfois, mais cela me semble pouvoir relever bien souvent aussi d’un besoin légitime d’avoir des espaces privés dans la vie commune.
- UNE PIÈCE SENSORIELLEMENT ADAPTÉE À MES BESOINS : depuis que cela m’est possible, parce que depuis quelques années mes besoins sont enfin compris et respectés, je peux donner toute l’attention nécessaire à mon cadre de sommeil : couleurs douces, peu d’objets, choix des matières, bio à 90 %. Je ne saurais pas l’expliquer théoriquement, mais j’ai une perception vraiment exacerbée de la qualité des matériaux dans lesquels je vis, en particulier pour les textiles. Petit à petit, j’ai réussi à changer toute ma literie : un matelas entièrement confectionné avec des matériaux naturels (latex, laine, lin, chanvre), je n’ai plus de couette mais deux couvertures en pure laine qui me permettent de « d’ajuster » avec précision le niveau de chaleur selon les saisons et surtout selon mes besoins quotidiens. Face au "tout ou rien" de la couette, on peut séparer partiellement la couverture du drap en été, ou au contraire, en mettre une deuxième l’hiver. C’est aussi une chaleur beaucoup moins oppressante qu’une couette. Et puis des draps en chanvre (bio aussi, tant au niveau de la fibre que de la teinture), des oreillers avec des rembourrages variés (latex, laine, chanvre, plumes…) pour s’adapter à toutes mes activités : lire, dormir, regarder un film, faire une séance de Psio (lunettes de luminothérapie qui combinent de la musique ou des voix avec une stimulation par la lumière) …
J’aime beaucoup aussi utiliser une brume d’oreiller, mais évidemment pas n’importe laquelle. Étant hypersensible au niveau olfactif, il y a plein d’odeurs que je ne supporte pas, surtout tous les parfums industriels. J’en ai découvert une que j’ai tout de suite adorée, « La Petite Brume », aux huiles essentielles de lavande fine, bergamote et géranium. Malheureusement, quand j’ai voulu en recommander, le stock était épuisé et le site n’en propose plus depuis. Grosse catastrophe et frustration intense : je déteste quand un produit me convient, qu’on en change la formule et/ou le contenant, ou qu’il disparaisse. C’est vraiment insupportable parce que je vais devoir à nouveau passer des heures à chercher et à tester un produit de remplacement qui ne sera évidemment jamais aussi bien que celui d’origine… Donc, comme je n’arrivais pas à en trouver un autre, je me le suis fabriqué. Miracle, j’ai réussi à retrouver mon bain olfactif presqu’identique à l’original !
Pour le bruit, même si la maison est totalement silencieuse, c’est boules Quiès systématiquement
- DORMIR EN DEHORS DE CHEZ MOI : conséquence de tout cela, il m’est très difficile aujourd’hui de passer une ou des nuits chez des amis ou à l’hôtel. C’est vraiment devenu un énorme handicap et je me sens aujourd’hui très limitée dans mes envies de déplacements ou de voyages. Ne pas savoir où et comment je vais dormir me rend anxieuse. L’idée de ne pas pouvoir avoir un espace suffisamment confortable et sécurisant sensorielllement pour me reposer est de plus en plus difficile à surmonter. Plus j’avance en âge, moins j’ai de marge pour gérer un excès de fatigue et plus je sens mes capacités à surmonter ces difficultés s’amoindrir. C’est très frustrant parce que mes envies de voyage sont toujours très vivaces mais qu’en même temps j’ai la sensation que mon monde se rétrécit chaque année davantage.
