BIENVENUE DANS MON BOCAL

BIENVENUE DANS MON BOCAL

* Sensibilité visuelle

 

 

 

 

 

Le cerveau des autistes est peu compétant dans la gestion du regard, que ce soit pour accepter un regard « entrant » ou pour émettre un regard « sortant ». Cet évitement du regard va avoir des conséquences plus ou moins importantes au niveau des interactions sociales car cela va limiter voire empêcher la perception et le décryptage des indices physionomiques qui permettent de décoder les expressions, les émotions et donc les intentions d’autrui.

 

 

 

 

Les yeux sont la région du visage qui apportent le plus d’informations relationnelles. Chez les autistes, le regard se pose souvent en périphérie autour du visage de leur interlocuteur mais pas dans les yeux, ou alors de façon très rapide. Cette façon de regarder peut donner l’impression d’un regard fuyant, vide, absent… Quand on me fixe du regard, je peux me sentir mal à l’aise et même « agressée » parfois. Dans une situation de conversation ou de repas en tête à tête, je m’arrange toujours à me placer un peu de coté ou à pouvoir être occupée à faire autre chose en même temps (manipuler un objet, frotter mes mains, baisser ou remonter mes manches, faire glisser ma bague sur mon doigt…).

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis également très sensible à la lumière solaire et aux lumières ambiantes. Je ne supporte pas les plafonniers et pire que tout, les néons. Les nouvelles ampoules très blanches et les leds me rendent très nerveuse, voire agressive. Quand je dois séjourner dans un endroit que je ne connais pas, cela peut être un véritable calvaire. J’apporte toujours avec moi une veilleuse ou des bougies… Un petit-déjeuner ou un bain aux chandelles sont des valeurs sûres pour commencer ou terminer une journée difficile…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et puis il y a "mes lignes"! Mes lignes, c’est comme un quadrillage qui serait en arrière plan de tout ce que je vois et qui organise le monde autour de moi et en particulier la place des meubles et des objets dans la maison. Chez moi, dans mon lieu de vie, c’est une attention permanente. Mais partout où je suis, je cherche toujours à trouver des lignes. Par exemple, choisir une table au restaurant est un vrai challenge pour que je me sente bien… je peux m’installer puis demander à changer de place ou à nouveau de table… Même casse tête quand je dors dans une autre chambre que la mienne. C’est toute une aventure ! Comme je ne peux évidemment pas réaménager toute la pièce, je vais quand même déplacer un fauteuil, décaler le lit, mettre la lampe de l’autre coté de la commode… Je dois absolument faire en sorte de trouver une harmonie dans mes lignes. Une fois que j’ai trouvé le bon « assemblage », j’ai beaucoup de mal à accepter que cela soit modifié.

 

Au moment où j’ai validé la disposition, il y a comme une photo qui se fait dans ma tête qui fixe définitivement les choses. Alors si on déplace quelque chose dans mon environnement, cela peut beaucoup me perturber et je vais avoir tendance à vouloir reconstituer le décor de la photo que j’ai gardé dans ma tête. Si c’est moi qui apporte une modification, j’intègre la nouvelle donnée sans problème et je fais "une nouvelle photo" qui annule et remplace la précédente. Par contre si c’est quelqu’un d’autre qui déplace quelque chose… mauvaise pioche…

 

Quand j’arrive dans une pièce, mon cerveau se met automatiquement en mode "recherche de lignes". J’ai besoin qu’il y ait quelque chose que je puisse percevoir comme ayant été organisé de façon « logique » sinon je peux me sentir très vite perturbée et mal à l’aise. Dans un lieu inconnu, je peux ne plus pouvoir me concentrer sur la conversation si je n’arrive pas à trouver des lignes sur lesquelles « m’appuyer »… Suivre les lignes des yeux est très structurant et régulateur pour le cerveau et agit comme un point d'ancrage sensoriel pour pouvoir rester disponible. Si je peux trouver un ajustement de mes lignes avec l’espace autour de moi, c’est comme si mon cerveau pouvait être plus libre et disponible pour communiquer. J’ai bien conscience que cela peut paraître un peu absurde, mais c’est vraiment ma perception. La plupart du temps, cette hypersensibilité aux lignes n’est pas un choix esthétique personnel, même si cela peut l'être aussi parfois, c’est le plus souvent une vraie dictature intérieure !

 

On m’a surnommée récemment « La maison France 5… ». J’ai été un peu vexée sur le moment, mais finalement c‘est devenu un code pour m’alerter quand je deviens un peu trop exigeante et que j’empêche les autres de vivre…

 

Normalement, les maisons sont faites pour vivre. Pour moi, cela peut donner l’impression que je vis dans un décor de théâtre et que le lieu est plus important que les gens qui y vivent. Je sais que si je ne me contrôle pas, je peux être très pénible avec ce manque de souplesse et de spontanéité. J’essaye de trouver un compromis entre mon besoin de contrôler mon lieu de vie et mon besoin qu’il soit vivant. Ce n’est pas toujours évident… si je suis fatiguée et déjà en zone rouge, je ne vais pas avoir beaucoup de marge de manœuvre…

 

 

 

 

Au niveau des couleurs, c’est aussi parfois très compliqué. Pour la plupart des gens, une couleur va avoir une gamme de nuances limitée. Pour moi, cette gamme va être extrêmement plus précise et étendue. Par exemple, un gris n’est pas simplement du gris. Avec mes yeux, je vais capter des tonalités très subtiles et être très pointilleuse pour trouver celle qui me convient. Il est impossible pour moi d’utiliser une peinture toute prête, même si je l’ai choisie dans un nuancier. Je dois la modifier souvent plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle corresponde le plus exactement possible à celle que je cherche. Cela m’a couté parfois très cher en pots de peinture et en travail pour recommencer ce qui ne me convenait pas !

 

Les personnes sensibles sur le plan sensoriel recherchent souvent l'homogénéité dans leur environnement afin que leurs cerveaux puissent être le moins possible surchargé. Là où je vis et travaille, j’ai besoin que mon environnement ne soit pas saturé d’informations visuelles : peu de meubles et d’objets dans mes « lignes » et peu de couleurs. Je suis une inconditionnelle du blanc (mais pas n’importe quel blanc…) et des cinquante nuances de grey…

 

 

 

 

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03/04/2017
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