BIENVENUE DANS MON BOCAL

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* Récit d'un diagnostic 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je ne sais pas du tout quoi penser de ce premier RDV. Comme je suis très perfectionniste, je travaille jour et nuit pour écrire cette fameuse biographie qu'on m'a demandée. C'est un immense challenge : faire court et factuel. Il faut que je raconte ma vie de façon concise, sans digression et sans états d'âme. Je vais écrire 14 pages quand même ! Cinquante sept années de vie, ça ne s'explique pas en un recto-verso. De toute façon, comme je n'ai pas eu le temps de parler, je vais le prendre pour écrire... et puis je m'en fous, je n'ai plus grand chose à perdre...  Pour accompagner ma copie, je m'autorise aussi à écrire à Monsieur le "fonctionnaire des boyaux de la tête" pour lui faire part de mon étonnement et surtout de mon ressentiment quant à notre rencontre. Même pas peur !!! 

 

 

 

Bonjour

 

Comme convenu, je vous envoie ma copie... J’ai travaillé dur pendant 15 jours pour essayer de ne pas me disperser. J’espère que je ne suis pas hors sujet et que cela conviendra. Je vous joins également les résultats de mon Aspie-Quizz ainsi que la liste de mes « bizarreries » que j’avais préparées et apportées avec moi pour le RDV à Brest mais que je ne vous ai pas données parce que vous ne m’avez pas posé de questions à ce sujet.

 

J’ai été un peu surprise par ce RDV et par le peu de questions que vous m’avez posées. J’ai trouvé l’appellation « Unité expéditrice » très appropriée au sentiment que m’a laissé mon RDV avec vous au CRA : 20 minutes top chrono pour 56 ans de vie à raconter, ça fait un peu plus de 21 secondes par année, ce qui correspond à disposer d’à peu près 50 mots pour résumer 12 mois, soit 4 mots par mois (petits mots de liaison compris et sans compter les pauses respiratoires indispensables…) Je crois que je ne suis pas équipée pour réaliser une telle performance !..

 

Et puis ce n’est pas du tout facile de se concentrer et de parler à quelqu’un qui mâche un chewing-gum en travaillant et qui s’en va tout le temps de la pièce… et puis aussi, il faisait très froid avec la fenêtre ouverte… et puis est-ce qu’il faut s‘appeler Bion pour pouvoir être éventuellement asperger et psychothérapeute ? Mais c’est vrai, et je vous l’accorde bien humblement, que je ne m’appelle pas Bion…

 

Je vais essayer de vous remplir le dossier ADI que vous m’avez confié mais ce n’est pas gagné… Je vous avoue que cela me paraît même insurmontable ! Je suis devant ce genre de questionnaire comme devant une énigme à résoudre. D’autant que, malheureusement, je n’ai vraiment pas la possibilité d’avoir des renseignements aussi précis et fiables que ce que vous demandez puisque je n’ai gardé aucun souvenir ni aucune relation d’enfance qui pourrait m’aider. Comme nous avons été en Afrique jusqu’à mes 6 ans, et que nous avons encore beaucoup déménagé ensuite, ma famille ne m’a pas beaucoup vu de près. Quant à mes parents, je crois qu’ils n’ont pas vraiment pu être très attentifs aux particularités de leurs enfants étant donné que les déménagements incessants que nous avons faits ont occupé totalement leur attention ! Mon frère est si loin de moi depuis si longtemps que je n’essaye même pas… Les rares fois où j’ai essayé de partager quelques souvenirs, je me suis rendue compte qu’il en avait aussi peu que moi… Mes parents, mes oncles et tantes sont tous à un âge où la mémoire est très incertaine... Je crains que nous allons devoir faire sans…

 

Merci par avance du retour que vous prendrez peut-être le temps de me faire et de la suite que vous déciderez de donner à ma démarche (ou pas…). J’attends avec impatience de vos nouvelles. C’est vrai qu’à 56 ans, ma vie est plus derrière moi que devant et qu’à priori, il n’y a pas d’urgence…mais je voudrai juste savoir… et pouvoir poser peut-être enfin mon sac quelque part… Aujourd’hui, je n’ai pas besoin de prise en charge ni d’aide particulières, j’ai construit ma vie tant bien que mal et depuis le temps, j’ai appris à me débrouiller avec les moyens du bord…je souhaite juste avoir un mot pour définir, si c’est le cas, mon « étrangeté » et me sentir alors peut être un peu moins coupable d'être si étrange...

 

Bien sincèrement à vous

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai eu la très bonne surprise d'avoir un mail en retour. Une réponse sincère et bienveillante dans laquelle il a pris le temps de s'excuser pour les locaux, de m'expliquer sa façon de travailler, d'accuser réception de ma biographie qu'il me promet de lire attentivement, de m'assurer de son intérêt pour ma démarche, de me proposer de continuer mon parcours de diagnostic si je voulais bien lui accorder ma confiance malgré tous mes griefs...

 

Bon d'accord, j'arrête de faire ma mauvaise tête !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La suite : récit d'un diagnostic 4



17/04/2017
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