BIENVENUE DANS MON BOCAL

BIENVENUE DANS MON BOCAL

* La vie à deux ou la quadrature du cercle

 

 

 

 

La vie sentimentale des personnes autistes varie beaucoup d'une personne à l'autre : certaines désirent vraiment vivre en couple et y arrivent, certaines le désirent mais n'y arrivent pas... Certaines vont choisir un partenaire de vie mais opteront de vivre séparées afin de préserver leur espace vital et d'autres ne pas avoir du tout envie d'établir une relation de couple. Quelque soit l'option, ce sera souvent dans une configuration où il s'agira d'être l'un à coté de l'autre plutôt que l'un avec l'autre.

 

Tous les couples font face à des défis inhérents à toute relation amoureuse mais pour les Aspies vont s'ajouter des problématiques spécifiques au fonctionnement autistique. La première est de partager son espace vital, d'être en permanence avec l'autre et de ne pas pouvoir se retirer dans sa bulle à sa guise. Quand on sait à quel point la nécessité d'un isolement quotidien est nécessaire pour ne pas basculer dans un effondrement, ne pas intégrer cette donnée capitale risque d'entraîner beaucoup de conflits et de souffrance.

 

Mais encore faut-il avoir connaissance et conscience de ses besoins spécifiques pour pouvoir en parler et les intégrer éventuellement dans sa vie de couple… Pour ma part, j'ai eu très tôt conscience de l'incompréhension que pouvait générer mes réactions "étranges" et donc du jugement et du rejet parfois violent qu'elles suscitaient.  Comme je ne savais pas pourquoi je pouvais me comporter souvent de façon si imprévisible, je me suis toujours sentie coupable et responsable des difficultés que je rencontrais dans ma relation de couple. Je n'avais aucun argument pour me justifier ni pour revendiquer le droit de ne pas pouvoir répondre à certaines demandes et contraintes de la vie à deux. Cette immense culpabilité à n'être "pas normale" m'a conduite petit à petit à m'oublier et à accepter beaucoup de reproches qui n'étaient pas justes à mon encontre. Quand on se sent coupable, on ne peut pas se défendre si cela est nécessaire ce qui peut conduire à une relation dominant/dominé très destructrice.

 

Mon premier changement radical de vie s'est produit à l'âge de 19 ans lorsque je me suis mariée. J'ai endossé mon nouveau costume du jour au lendemain et abandonné derrière moi tout ce qui remplissait ma vie pour entrer dans celle d'un autre. J'ai appris les nouveaux codes nécessaires pour être la femme qu'on attendait que je sois. J'ai donné le change pendant plus de trente ans au prix d'un renoncement permanent à mes besoins et à mes aspirations. Je me suis éloignée de plus en plus à l'intérieur de moi-même pour tenter de protéger le peu de moi qui me restait. Quand je me suis lancée dans l'aventure de la vie à deux, j'étais amoureuse, enthousiaste mais aussi très naïve.

 

J'ai découvert un mari qui avait parfois des comportements très violents verbalement face auxquels je ne pouvais que rester muette et totalement désemparée. Mais pourtant, vue de l'extérieur, je paraissais très sûre de moi et plutôt volontaire, le genre de fille à qui on ne la fait pas et qui n'a peur de rien… Mais à l'intérieur, j'étais complètement impressionnée et souvent apeurée par cet homme à mes cotés qui avait toujours l'air d'être sûr de tout alors que je n'étais jamais sûre de rien et qui avait des accès de colère totalement imprévisibles et incompréhensibles.

 

Dans leur vie amoureuse, les Aspies s'engagent toujours de façon profondément sincère. Mais comme ils ont du mal à distinguer les signaux amoureux, amicaux ou bienveillants des signaux hostiles et malveillants, ils se retrouvent souvent coincés dans des relations maltraitantes et parfois même dangereuses. Leur grande "naïveté" ainsi que l'incompréhension et le doute permanents qu'ils ressentent quant aux intentions de leurs partenaires les rendent particulièrement vulnérables à la manipulation et à la maltraitance psychologique et/ou physique. Ils sont incapables de se défendre car pour pouvoir se défendre il faut pouvoir identifier la menace, compétence dont ils sont pour la plupart totalement dépourvus…

 

 

 

 

C'est après avoir eu la confirmation de mon diagnostic et compris de façon plus claire la raison de toutes mes difficultés que j'ai pu prendre la décision de me séparer de mon conjoint pour pouvoir vivre sans jugement ni culpabilité mon mode de fonctionnement particulier. La personne qui partage ma vie aujourd'hui me connaît souvent mieux que moi-même et accepte avec beaucoup de patience, de bienveillance mes "aspi-bizarreries". Si nécessaire, elle sait aussi parfois me recadrer avec tact quand mes comportements deviennent un peu trop envahissants pour elle ou que je ne prends pas la mesure de l'impact qu'ils peuvent avoir sur mon entourage…

 

 

 

 

 

 

 

Un petit poisson, un petit oiseau

S'aimaient d'amour tendre

Mais comment s'y prendre

Quand on est dans l'eau

 

Un petit poisson, un petit oiseau

S'aimaient d'amour tendre

Mais comment s'y prendre

Quand on est là-haut

 

Quand on est là-haut

Perdu aux creux des nuages

On regarde en bas pour voir

Son amour qui nage

 

Et l'on voudrait bien changer

Ses ailes en nageoires

Les arbres en plongeoir

Le ciel en baignoire

 

 

La suite



04/04/2017
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