BIENVENUE DANS MON BOCAL

BIENVENUE DANS MON BOCAL

* Ondes de choc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous semblables, tous différents et certains avec une particularité.

 

Quand tu m'as annoncé que tu étais diagnostiquée aspie, je n'ai pas été surpris et t'ai dit que cela faisait de toi une personne extra-ordinaire. Pour moi, le diagnostic ne change rien à la personne que tu es. Tu es mon amie, avec tes qualités et tes défauts, comme tout un chacun. Pour toi, évidemment, poser le diagnostic du syndrome d'Asperger est sûrement important puisqu'il te permet de comprendre pourquoi tu as eu tant de difficultés sociales dans la vie, et notamment à rentrer en relation avec les autres. Ce critère étant le marqueur fondamental du syndrome. Se rajoute à cela tes rituels.

 

Il serait mal venu de ma part de te faire quelque reproche que ce soit dans ta manière d'être, notamment quand en fin de soirée tu t'éclipses avec ta tablette pour en quelque sorte te ressourcer, les conversations t'ayant épuisée. Ou bien, quand tu montes dans les tours parce qu'il y a trop de bruits, trop de stimulis.

 

T'en faire le reproche reviendrait à m'en faire le reproche ! puisque je fonctionne de manière similaire.

 

Qui se ressemble s'assemble ! Expression qui prend tout son sens nous concernant. Tu es mon amie, et je t'aime comme tu es.

 

 

 

 

 

J’ai 80 ans et le ciel me tombe sur la tête ! Je veux bien, sans cesse, faire des efforts pour m’adapter à tout ce que la vie apporte mais, là, c’est un peu dur à encaisser…

 

Ma fille est en train de m’expliquer, doucement, affectueusement, qu’elle est « atteinte » d’une forme d’autisme appelée « Asperger »… Pas possible ! Je la connais depuis toujours, de près ou de loin je lui porte grande attention depuis qu’elle est née, je l’aurais remarqué si elle était autiste …

 

Dans le vocabulaire de ma génération ce mot stigmatise une tare grave, irréversible (j’ai croisé un jour un cas dramatique). Rien à voir avec ma fille ! Elle serait plutôt à classer dans les surdouées… Je me souviens de ses facilités scolaires, de ses idées originales, de ses innombrables réalisations. Rien ne semble lui résister : de la peinture à la cuisine en passant par le bricolage, la couture, l’écriture, le soin artistique apporté à chaque chose… Tout ce quelle touche flirte avec la perfection. Vous allez dire que c’est le point de vue d’une maman ? Que nenni ! Tout son entourage et le mien sont épatés.

 

Bien sûr j’ai remarqué sa fragilité et que de temps en temps elle « décroche » mais je n’ai pas de mal à comprendre puisque cela m’arrive souvent… La foule, le bruit lui sont vite insupportables ? Je connais ces situations qui me font fuir aussi…

 

C’est normal… D’ailleurs mon père était pareil qui refusait que j’invite mes amies à la maison : trop de bruit… Et pour les réalisations variées lui aussi ne cessait d’entreprendre et surprendre… Je me souviens de cette camionnette qu’il avait rafistolée dans la pénurie de l’après-guerre et dans laquelle nous avons amené le directeur de la Banque de France locale au bord de la mer (très cocasse comme situation).

 

Ma vie aussi sort des normes et se ressource dans la solitude et le silence. Je découvre les fameuses « cuillères » mais j’avais d’instinct trouvé des solutions pour me protéger, tout en culpabilisant de me mettre en retrait pour retrouver mon équilibre. Je suis surprise et touchée par la fidélité de quelques rares amis que mon fonctionnement particulier ne décourage pas.

 

Dans ma famille anti-bruit, je dois reconnaître qu’il y a des similitudes comportementales d’une génération à l’autre… ASPIE serait-il un vieil aïeul ?

 

Pour garder l’esprit clair au dessus de l’émotion causée par l’info, résumons :

 

Depuis que les mots professionnels ont cerné nos difficultés, je détecte et respecte encore davantage les « décrochages » quand ils surviennent. Ils ne sont pas toujours synchronisés entre nous mais sont au moins compréhensibles. Quand les silences sont longs le fait d’en connaître la raison en diminue la tristesse.

 

J’enregistre ce mot nouveau « ASPIE » et sa signification (mes vieux dicos sont à mettre à jour). Mais, à cause des clichés gravés depuis tant d’années, j’ai du mal à l’associer à l’autisme (notez au passage que je l’écris en minuscules… pour le gommer un peu…).

 

J’assimile doucement, on peut toujours progresser, chacun a son rythme !

 

Tamama

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis fan ( de carotte) du Camé-Léon

Bizarre… vous avez dit bizarre… comme c'est bizarre !!!

 

Au début c'est presque rien, juste des lunettes de soleil, même quand celui-ci a disparu. Son regard est caché, presque inaccessible, mais pourquoi sans inquiéter puisqu'elle me dit protéger ses yeux de cette lumière trop éblouissante. Cependant, je ressens cette sensation que la pudeur est de mise et que le territoire d'en face est sous haute protection. Puis ce sont ces instants où mes questions restent sans réponse avec ce sentiment étrange qu'elle n'est plus au bout de mon fil, que la conversation s'est suspendue, perdue. Ces instants où ses éclats de rire si particuliers ponctuent, comme autant de virgules et de points, tous les échanges embarrassants. Ces repas où, en pleine discussion, elle se lève et se détache du groupe parce que: il faut débarrasser, ranger, déplacer, poursuivre le dîner au plus vite, mais surtout échapper à tous ces autres si soudainement étrangers.

 

Toutes ces joyeuses propositions où les temps morts sont inexistants tant le monde est vaste et ses découvertes prodigieuses. Dans cette organisation sans faille et entraînante, rien n'apparaît comme si étrange puisque tout s'enchaîne et semble si naturel. D'ailleurs comment imaginer derrière ce visage ce qu'elle ressent puisqu'elle affiche en alternance ce petit sourire ou ce regard lointain si mystérieux et si touchant. A ce moment là je ne sais pas encore qu'au dedans c'est un tout autre paysage car elle manie avec subtilité l'art du caméléon. Une sur-adaptation exemplaire doublée d'un aplomb étonnant, lui donne une assurance parfois impressionnante. A ce moment là, son comportement peut paraître arrogant, voir égocentré, car chaque mot choisi, chaque phrase finement ciselée n'appellent aucune réponse.

 

L'échange n'existe que s'il est intéressant, surprenant, s'il éveille une réflexion étonnante. En cas d'analyses contradictoires d'une situation où d'une façon différente d'envisager le problème, si la discussion n'est pas possible, c'est évidemment parce que mes propos ou ma manière de faire ne sont pas "logiques". Élément - terre… mon cher watt - sonne….

Ou l'art de retrouver son bocal au plus vite !...

 

 

 

 

Je suis en zone libre et mon territoire est ouvert à tous les possibles et si ses quelques étrangetés viennent bousculer mes attentes, sa façon si personnelle de décrypter et d'analyser la vie, les personnes et le monde, vient prolonger mes idées. Sa présence au monde m'attire et me fascine sans comprendre pourquoi, juste que je sais qu'il m'est impossible de penser et de ressentir les choses de cette manière là. Alors qu'importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse !...

 

La frustration m'envahit souvent car les temps communs sont si riches, singuliers et intenses que je voudrais prolonger le bonheur qui m'est donné de les vivre. Je crains le moment où petit poisson caméléon change de regard et de ton pour me signifier que l'échange est clos, souvent parce qu'elle a dit ce qu'elle pensait ou avait à en dire… Sauf que moi je suis Fan, je vis en Neurotypie et que parler et discuter est un pur bonheur, un fleuve de mots où mes pensées se composent et s'organisent à l'infini.

 

Alors dans ce titre aussi singulier qu'une histoire à dormir assis ou debout, la conjugaison de toi avec moi en nous ne se fait pas toujours simplement car…il était une fois toi…il était une fois moi… il était une fois un moi avec toi mais parfois plus difficilement un toi avec moi…

 

Etre à tes côtés est une grande aventure aussi fascinante que déstabilisante. Etre auprès d'un Aspie-toi est un incroyable voyage ou l'horloge des sentiments est, constamment, soumise aux décalages horaires. Le temps est distordu et les réponses aux questions ne sont jamais immédiates. A l'inverse tu aimes les réponses rapides et surtout précises et claires. Une longue explication est source d'ennui et de décrochage presque instantané.

 

A tout moment ton monde, ou du moins ce qui se rapproche le plus du mien, peut basculer. Il suffit d'une visite impromptue, pour déclencher un tumulte cauchemardesque. La fuite, le repli sont alors presque immédiat. Ce qui est source de joies pour moi, "neurotypic pic", te demande une adaptation qui peut devenir insurmontable. Car pour être en mesure de vivre l'imprévu inter-relationnel, il faut pouvoir en éprouver du bonheur, mais souvent à ce stade tu ne perçois que l'effort que tu vas devoir fournir juste pour être là.

 

Te découvrir chaque jour est une expédition inédite et complice, un voyage aux confins de l'âme et aux sources de ton univers. Aux détours de tes ici et de tes ailleurs, dans l'alternance de cette présence / absence où d'ailleurs tu peux ne pas vouloir être seule sans être avec l'autre, j'explore d'insoupçonnables  continents… et dans ton sillage, mon coeur et mes pensées trouvent et apprennent d'autres possibles.

 

Laurence

 

 

 

 

 

 

 

 

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05/04/2017
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